Alors qu'Erindae allait se refaire une beauté, je racontais à ma mère le détail de notre rencontre qu'elle écoutait avec un grand intérêt. Je savais comme elle aurait adoré y être. Il fallait trouver à l'elfe une tenue convenable pour la présenter à la reine, de quoi mettre en avant sa beauté, et sa vaillance. Elle avait trouvé tout le confort de toilette dont elle avait besoin, j'en profitais pour prendre quelques mesures sur la robe qu'elle avait laissée sur une chaise. Aussitôt je me rendais chez un bon ami qui me devait un service. La soirée s'annonçait magnifique, les étoiles formaient un véritable tableau de maître. La chaleur des foyers, le bien-être de la cité se faisait ressentir à chaque pas. Je déambulais dans les rues sans cacher ma joie. Alcaghor survolait les maisons pour passer me saluer avant de se coucher avec les autres dragons. Arrivé chez Joe McKindred'h, un nain talentueux, je frappais à sa porte. Il ne tarda pas à m'ouvrir, et après avoir partagé une bière je lui exposais ma demande. Il fallait concevoir une tenue de combat solide et assez jolie pour une femme comme Erindae. Il me proposa un savant mélange de pièces d'armure, de mithril, et de tissus résistants, pour rendre le vêtement léger et en faire une efficace protection pour un être précieux de notre monde. Joe avait mon entière confiance.

Je revins rapidement chez ma mère, où Erindae qui portait une tenue de ma mère exerçait son talent à recoudre sa robe déchirée. Le repas était servi, une bonne soupe de légumes. Je ne pense pas qu'elle soit déjà prête à manger de la viande, la rupture culturelle serait trop rapide. Le dîner ne dura pas très longtemps, il faut savoir que ma mère n'est pas particulièrement bavarde. Enfin elle ne l'est plus. Je m'étais assis sur le rebord de la fenêtre, invitant Erindae à me rejoindre.

- Regardes ce ciel magnifique, je n'ai jamais appris le nom des astres mais ton village se trouve de ce côté. La nuit tombe et le jour se lèvera sans toi. Je ne peux que te féliciter pour ton courage.


- Richy j'ai fini mais j'ai besoin d'elle pour finaliser!

- Monte Joe c'est ouvert.

Le nain s'affaira à déballer son sac contenant le matériel dont il avait besoin. Je n'aurai pas imaginer que ce métier nécessitait tant de choses pour la confection d'une commande, bien que la mienne soit particulièrement complexe.

- Laisses toi faire, il sait ce qu'il fait. Les nains sont des artisans hors pair.

Il s'employa à ajuster la tenue de sorte qu'elle soit le mieux possible dans son aise. Elle avait de fines épaulières gravées en elfique, mais je n'en connaissait pas le sens. Joe avait vraiment des doigts de fée, tant de minutie c'est incroyable. Son nom était soigneusement brodé sur le col, à la fois discret et esthétique. Les hanches étaient renforcées avec des lanières en cuir, et le torse scintillait de fines mailles métalliques. Les manches s'avançaient jusqu'à épouser les mains pour protéger ses doigts de coups éventuels. Que dire de plus, c'était un travail splendide. Quand je pense qu'il ne lui avait fallu que quelques heures avec l'aide de ses apprentis. Il n'y avait pas de doute, elle allait faire une excellente impression devant la reine.

Les coutures ajustées, Joe laissa la tunique sur une chaise avant de nous saluer pour rentrer chez lui. Erindae semblait exténuée, il était temps pour elle de se reposer de sa journée.

- Tu peux dormir ici, c'est le lit que ma mère me garde quand je m'attarde dans la ville. Je reviendrai au lever du jour, nous prendrons la route du château de la reine afin que je puisse te présenter. Sois prête, je t'expliquerai rapidement les usages mais tu n'aura qu'a te présenter avec la plus grande politesse, cela suffira. Tu obtiendra sans doute des fonctions à l'issu de la conversation. Bonne nuit!

Je sauta par la fenêtre, dévalant les escaliers pour rejoindre Alcaghor qui m'avait sans doute chauffé un tas de paille pour la nuit. En marchant je préparais la façon d'annoncer ce que j'ai vu à Alhannah. La nouvelle était loin d'être réjouissante.

C'était l'aurore, la paille se réchauffait, je sentais la chaleur monter peu à peu tandis que l'ombre diminuait. Je me réveillais quand la lueur des premiers rayons avaient atteint mes yeux. C'est éblouis par le jour que je sautai de mon tas, glissant le long du dos d'Alcaghor. Agacé il releva la queue pour me faire tomber. Au réveil il n'est jamais de très bonne humeur le bougre. Je me nettoyais rapidement le visage au grand abreuvoir avant d'arpenter les ruelles d'Akan pour rejoindre Erindae, qui devait probablement déjà m'attendre. Ceux qui ne me connaissaient pas me dévisageaient, quant aux autres ... disons qu'ils n'osaient pas porter de jugement. J'ai dans cette ville beaucoup d'amis, mais ceux qui n'en font pas partie ne sont pas indifférents pour autant. Leur respect ne tient qu'à mon statut auprès de la reine, je sais bien qu'ils n'en auraient aucun autrement. Mais je n'étais pas à plaindre, et Erindae n'allait certainement pas l'être non plus.

- Salut Richy belle journée hein ! Tu passera me voir à la forge j'ai conçu de nouvelles pointes pour tes flèches.

- Salut, merci beaucoup mais nous verrons cela plus tard je suis attendu. Bonne journée !


- Bonne journée !

Ce forgeron me faisait souvent part de ses nouvelles créations, c'est un véritable génie du métal. C'est lui qui a forgé mes flèches paralysantes. Elles m'ont souvent permis de progresser en zone hostile sans avoir à tuer. Elle ne pénètre qu'en surface de la peau pour injecter un liquide que m'ont offert les mages, qui a pour propriété de plonger dans un sommeil profond le sujet atteint en quelques secondes. C'est également lui qui a fait les renforts pour mon arc, afin d'éviter qu'il ne casse pendant le combat tout en gardant sa souplesse.

En approchant du marché je vis un attroupement grossir près de l'étable du poissonnier. Les bagarres sont courantes entre les civils et ont la plupart du temps pour cause l'argent, ou des litiges avec les commerçants. Interpellé par l'instinct je montais sur la toiture d'une maison, et progressant le long de la place, c'est Erindae que je vis au centre du tumulte. Elle semblait parfaitement se défendre. Ses attaquants devaient être des racistes haineux envers les elfes, je suppose. C'est avec une grande dextérité qu'elle envoya le premier au tapis, mais un pic d'adrénaline me poussa à intervenir quand j’en aperçus un autre s'apprêtant à la poignarder dans le dos. Je dégainais une flèche que je tirai à toute vitesse, finissant sa course dans la main de l'assaillant d'où le sang ne tarda pas à jaillir. Les regards se tournèrent vers moi.

- Peuple d'Akandhalyr, est-ce normal de s'en prendre à une inconnue parce que ses oreilles ne sont pas comme les vôtres ? est-ce normal de traiter ainsi celle qui vous défendra face aux sbires de Morwen lorsqu'ils viendront apporter la mort dans vos maisons ? Soyez unis ! Cette elfe doit partir rencontrer la reine aujourd'hui pour lui prêter allégeance, assumeriez vous que je lui fasse le rapport de ce que j'ai vu ici ? Toi là, et toi, comment osez vous lever la main sur elle ? Et vous tous qui regardez sans agir, vous ne ressentez aucune honte ? Il y a parmi vous des gens talentueux, des gens utiles, des gens qui savent des gens qui aident. Vous apportez tous votre participation à la vie de notre belle cité, veuillez ne pas ternir cette noble image.

L'homme à terre, sans morale et profondément humilié par son échec se releva en empoignant son couteau. Je sautais à terre, m'interposant entre Erindae et lui. Il semblait déterminé à laver ce qu'il croit être son honneur, perdant ce qu'il lui restait d'humanité. Plutôt que de le frapper je trouvais plus utile de le confronter à sa folie.

- Aller ! Tu attends quoi ? Poignarde moi !

Effondré, il posa sa main sur mon épaule pour prendre appui. Je posais également ma main sur la sienne, afin de lui présenter une forme de soutien.

- Présente tes excuses, et ta faute sera oubliée.

- Jamais !

D'un geste je l'envoyais violemment au sol, lui brisant certainement le bras.

- Dans ce cas j'invite chacun d'entre vous à rejeter cet homme. N'achetez plus ses produits, ne lui offrez plus de travail, ne lui parlez plus. Il ne le mérite pas.

- D'accord, Je vous les présente mes excuses ! Voilà !

- Trop tard tu as passé ta chance.

Un profond silence s'installa, et peu à peu le marché reprit vie, comme si jamais rien n'était survenu. Rien n'allait changer ici, rien sauf les relations de cette homme qui venait de montrer au grand jour la noirceur de son âme. Un vieil homme pour calmer l'elfe, et lui montrer les bons côtés des hommes lui tendit la plus belle pomme de son étale. C'est pour des gens comme ça que je suis fier des humains, et heureux de me compter parmi eux. L'agresseur fut emmené aux geôles par des gardes alertés par un groupe d'enfants.

Suite à l'incident chaque citoyen que l'on croisait sur le marché saluait poliment l'elfe que j'accompagnais en direction du château. Nous gravissions le chemin, sans précipitation, me laissant le temps de lui présenter ce que nous croisions et de lui donner quelques indications pour les évènements qui allaient suivre. Elle était très assidue, et m'écoutait toujours d'une oreille très attentive. C'est un plaisir de communiquer avec elle.

- Inutile de te montrer trop formelle avec Alhannah, elle privilégie une relation amicale avec ses hommes dévoués. Lorsque tu te présentera, mets surtout en avant ta motivation, tes valeurs. Elle aime savoir qui elle va prendre sous son aile. Pour notre peuple, bien plus qu'une commandante, c'est une mère et une amie. Gagne son respect et jamais elle ne te laissera tomber.

Mes explications semblaient l'étonner grandement, il est vrai que chez les elfes la hiérarchie fonctionne très différemment.

- Nous y voilà, alors tu te sens prête ?

Nous étions face à la reine, et je savais bien qu'avant toute chose elle attendait mon rapport sur la situation de la forêt des ombres. Il s'y passe de bien triste évènements, elle m'y avait envoyé à cause de rumeurs disant que des partisans de Morwen y avaient été vus. Cela prenait d'autant plus d'importance, qu'il y a bien longtemps que l'on ne sait plus ce qu'il s'y passe, de l'autre côté des montagnes. Bien que les centaures n'aient pas été particulièrement courtois avec moi j'ai pu recueillir des informations préoccupantes.

- Ma reine, ils creusent. Ils cherchent quelque chose dans la forêt des ombres, mais quand je dis "Ils creusent", n'imaginez pas une bande de brigands avec des pelles. C'est une véritable mine qu'ils ont formé.

- Mais que cherchent-ils ainsi ?

- Je ne le sait pas encore, mais ils y attachent de l'importance au point de défendre violemment leurs postes de recherche. Beaucoup de centaures sont tombés en s'interposant à la destruction de leurs terres. Je vous laisse imaginer les conséquences sur la vie des créatures qui y vivaient paisiblement.

- Qui as-tu pu identifier ?

- Personne malheureusement ... les hommes étaient dévisagés, comme marqués au fer rouge, ou bien étrangement tatoués. Il y avait des sorcières qui menaient les recherches. Quel que soit le but, il y a certainement de la magie noire à la clé. Le seul moyen de convaincre les sorcières de se joindre à ce genre de quête est la découverte d'une force des ombres.

- Est-il possible d'en savoir plus sur leurs activités ?

- Pour le moment, c'est difficile d'en apprendre plus sans se faire repérer, ils sont très nombreux. Je ne serais pas étonné que la plupart des hommes exploités soient des esclaves capturés de notre peuple. J'avoue ne pas avoir pu m'approcher, comme je vous l'ai dit, le site est très surveillé et les gardiens de la forêt ne savent plus quoi faire.

- Je suis triste mon ami, très triste d'apprendre tout ceci ...

- ... mais il y a pire encore ! Ma reine, l'irréparable a été commis, une licorne a été tuée en défendant son territoire. Je les ai vus trainer son cadavre. Mais aucune créature ne doit apprendre ce meurtre, ou nous serions à l'aube d'une guerre de vengeance effroyable.

- Richy ils ont le droit de savoir ...

- ... mais ils ne sont pas prêts !! Croyez moi, leur honneur les perdraient, ils ne doivent pas savoir. Aussi triste cela soit-il cette licorne ne pourra pas être vengée.

- Je te fais confiance, mais tôt ou tard la vérité devra être dite.

- Bien ma reine.

- Très bien, je te remercie d'être revenu m'avertir aussi rapidement.

J'avais le cœur lourd, lourd d'avoir contenu ce malheur, et lourd de la tristesse qu'il apportais à Alhannah. La situation était si délicate, que je me sentais presque coupable ... coupable de mon impuissance devant le contexte actuel de la forêt des ombres. J'avais du mal à m'exprimer tant ce mal me touchait dans l'âme. Elle cessa de m'interroger lorsqu'elle vit une larme couler sur ma joue, pour se tourner vers Erindae.

- Bonjour jeune femme, je suis navrée de t'accueillir dans ce contexte, j'aurais aimée de rencontrer en de plus heureuses conditions. Mais ne nous laissons pas atteindre. Je t'en prie racontes moi tout, je suis curieuse de savoir qui est cette elfe venue avec Richy, dont tout le monde me parle. Tu t'en rendra compte, les nouvelles vont vite ici, et il me tardais que tu me sois présentée. J'ai eu vent de la bousculade au marché, tu dois savoir que les actes des uns ne sont pas représentatifs de la mentalité des autres. Excuses les hommes pour cet accueil, il y a fort à parier que cela ne t'arrive plus.

Alhannah, pour rassurer Erindae, s'avança et lui tint la main du bout des doigts. Posant une main sur mon épaule, comme pour me consoler de tout ce qui me pesait sur le cœur. C'est pour ça que nous l'aimons tous, elle sait, elle comprend, elle vit, elle ressent. Elle est proche de nous, et n'a rien d'une dictatrice acharnée. Je laissait Erindae lui raconter sa vie, et brièvement ce qu'il s'était passé depuis notre rencontre. Elle la regardais souriante avec une grande tendresse, comme si elle était face à une perle, à la fois rare et merveilleuse. Je dois avouer que cette elfe n'a laissé personne indifférent, elle doit dégager une sorte d'aura, un je ne sait quoi qui interpelle chaque être au plus profond. Même si la nature de la réaction n'est pas toujours amicale, disons le.

Suite à leur entretien, Alhannah se recula pour se tenir face à nous, juste devant sont trône. Et m'adressa une dernière requête avant de se retirer.

- Erindae j'ai le plaisir de te compter parmi notre peuple, tu es bien-sur la bienvenue. Tu pourra prendre tes fonctions avec Richy pour commencer, le temps de faire tes repères et d'apprendre. Quand tu aura montré tes aptitudes particulières, je te confierai des missions plus particulières.

- Richy, nous ne pouvons pas intervenir ouvertement tant que nous ne savons pas de quoi il retourne. Tu as remplis l'objectif de ta mission, mais tu vas malheureusement devoir y retourner, en la compagnie de cette charmante elfe pleine de courage si elle le souhaite. Un peu d'aide ne sera probablement pas de trop !

- Bonne journée mes amis.

Je regardais Erindae droit dans les yeux, et je n'eus pas à lui poser la question. Je voyais déjà la hâte qu'elle avait de remplir sa première mission au nom de la reine. Je n'allais pas voyager seul cette fois. Il allait nous falloir se mettre d'accord et élaborer un moyen d'intervenir en toute discrétion pour en découvrir plus, et protéger les êtres vivants de la forêt des ombres.